Les 1001 fonctions de notre revêtement cutané fascinent les chercheurs. Leurs travaux sur les maladies et le vieillissement sont étroitement liés.
La peau est, parmi tous nos organes, le plus étendu (environ 2 mètres carrés chez un adulte de taille moyenne), le plus lourd (5 kilos), le plus peuplé (quelques 2 000 milliards de cellules) et le plus sensible. « Ouvert sur le monde extérieur, notre unique organe visible ne se contente pas d’enclore le corps, il offre à ce dernier le meilleur des boucliers », écrit Philippe Testard-Vaillant en introduction d’un excellent dossier sur le sujet qu’il vient de signer dans la revue de l’Inserm Science & santé . Il y explique notamment comment cette structure en millefeuille, peuplée d’organites spécialisés dans l’alerte, la défense ou la réparation, s’y prend pour remplir aussi bien son rôle protecteur. Et aussi les recherches en cours pour tenter de repousser les assauts des maladies et du temps
Tout d’abord, la peau est une barrière à double sens, qui sépare notre organisme du milieu extérieur et qui prévient la perte de l’eau qui nous compose, rappelle Thierry Passeron, dermatologue au CHU de Nice et chercheur au Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M). Cette barrière imperméable se renouvelle en permanence et dans sa totalité en quatre à six semaines : les bataillons de kératinocytes, fabriquées dans la couche basale, à la jonction du derme et de l’épiderme, migrent en permanence vers la surface « pour y former un empilement de tuiles plates, cornées et étanches (la couche cornée) qui dépassent rarement 50 millièmes de millimètre d’épaisseur ». En effet, au cours de leur ascension, les kératinocytes se dépouillent de leurs organes vitaux pour ne conserver que leur squelette et leur enveloppe protéique
La peau ne résiste pas bien au temps qui passe
De plus, la peau est un régulateur thermique hors pair. « La température extérieure chute ? Notre enveloppe limite la circulation de sang dans le derme et freine ainsi les déperditions caloriques. À l’inverse, le mercure grimpe ? Des milliers de glandes sudoripares (chaque centimètre carré du derme en héberge une centaine) s’activent pour refroidir l’organisme en produisant la sueur qui s’échappe des pores cutanés, ruisselle sur la peau et s’évapore. Le phénomène, loin d’être gratuit, réclame de l’énergie. Laquelle vient du corps qui en a trop puisqu’il a trop chaud. On ne peut plus astucieux », note Philippe Testard-Vaillant.
Malheureusement, notre enveloppe cutanée ne résiste pas bien au temps qui passe. Avec les décennies, elle s’affine, se fragilise, se déshydrate, se plisse et se tache. Parmi tous les signes de son vieillissement, la perte d’élasticité est l’un des plus flagrants. Des chercheurs ont identifié l’une des responsables : une protéine particulière, dont l’expression diminue avec l’âge. Chloé Féral, chercheuse à l’Ircan (université Nice-Sophia-Antipolis), a démontré, chez la souris, que cela perturbait le renouvellement rapide et efficace des kératinocytes – qui représentent 80 % des cellules de l’épiderme –, retardait la cicatrisation, provoquait la perte de poils… À l’inverse, cette protéine est très présente dans les cellules de tumeurs cutanées. C’est pourquoi de nombreuses équipes tentent de trouver le moyen de bloquer son fonctionnement dans ces cellules cancéreuses de la peau, même si les cancers en question restent généralement bénins. D’autres travaux portant sur le bien plus redoutable mélanome malin montrent que la lutte contre les tumeurs et contre le vieillissement cutané est intimement liée.
(Source : Anne Jeanblanc – Le Point.fr)